Élevage, l'ennoblissement de l'animal

L'animal est-il une machine employée à convertir en argent l'herbe et les autres fourrages ? ou encore, tel qu'il est décrit par certains zootechniciens, un instrument dont la finalité est de produire le maximum de lait et de viande dans le temps le plus court avec le minimum de frais?

Cahier des charges DEMETER: Production végétale et animale

L'animal est-il une machine employée à convertir en argent l'herbe et les autres fourrages ? ou encore, tel qu'il est décrit par certains zootechniciens, un instrument dont la finalité est de produire le maximum de lait et de viande dans le temps le plus court avec le minimum de frais?

Pourquoi de nombreuses civilisations ont-elles élevé les animaux au rang de divinité ? L'importance des mythes fondateurs de sociétés, où l'animal est honoré et considéré comme un frère pour l'homme, ne devrait-elle pas nous questionner sur nos responsabilités vis-a-vis des animaux domestiques ? Y aurait-il une nécessité pour les sociétés humaines de domestiquer l'animal, de l'élever dans le sens d'un ennoblissement?

Contraindre l'animal à une hyper-productivité en raison de considérations strictement économiques, sans tenir compte de ses besoins profonds, n'est pas une base saine pour une société moderne.

Pour les agriculteurs en biodynamie, l'animal est placé au centre des préoccupations. Il est considéré comme un serviteur à accompagner, à ennoblir.

Quelques pratiques spécifiques

La biodynamie renonce à toute productivité disproportionnée et recherche un équilibre en fonction du terroir et de la nature profonde des différentes espèces animales.

Une trop grande productivité romprait l'équilibre du domaine et mettrait en péril la santé et l'évolution de l'ensemble. Concrètement, cela signifie la recherche d'un rendement qui soit en accord avec les capacités de l'animal.

Par exemple, pour la plupart des races bovines laitières, l'obtention de 4 000 à 5 000 litres de lait permet de se contenter de fourrages grossiers, d'avoir des conditions physiologiques correctes et de fournir un lait dont la qualité peut être reconnue par sa facilité de transformation et par ses qualités organoleptiques. On peut signaler que les produits issus de l'agriculture biodynamique se différencient facilement des produits biologiques ou conventionnels à l'aide des méthodes d'analyses qualitatives spécifiques du type morphochromatographie ou cristallisations sensibles.

L'intérêt devrait se porter vers les qualités intrinsèques et la nature même d'une race animale. Par exemple, pour les bovins laitiers et en fonction des différentes races, la capacité à transformer en protéines et en graisses de grande qualité des fourrages, sans valeur pour l'homme, et à fournir de surcroît une fertilisation essentielle, voilà ce qui nous paraît intéressant à mettre en valeur par une sélection adaptée. Les porcs ont la capacité à transformer en graisse et en viande noble des déchets ou des sous-produits des transformations légumières, céréalières ou laitières, difficiles à gérer par le compostage. Sans cette transformation par l'animal, ces déchets contribueraient à la dégradation de l'environnement (sérums de fromagerie par exemple). Pour les volailles, le respect de leur caractère coureur et consommateur d'herbes et d'insectes devrait favoriser un élevage en conséquence, réduisant ainsi les grandes consommations de grains et de protéines importées.

Quelle est la capacité pour un domaine agricole de produire un grand nombre de volailles ou de porcs sans déstabiliser la rotation (que l'on souhaite longue et très diversifiée) et sans provoquer au bout du compte une fertilisation trop abondante et déséquilibrée pour les sols?

Respect de l'intégrité physique des animaux

Nous voulons des bovins avec leurs cornes, des porcs et moutons avec leur queue et des volailles avec leur bec.

Les cornes des bovins sont considérées comme des organes participant pleinement à la physiologie des ruminants. Ils ont sans doute une importance particulière dans les phénomènes de la digestion. (L'évolution de la porosité de l'os frontal après ablation des cornes chez les jeunes bovins, traduirait-elle une nécessité physiologique de disposer d'une circulation intense de sang et d'air dans cette partie du crâne ?).

Les cornes d'animaux adultes sont indispensables à la pratique de la biodynamie : elles sont utilisées après la mort des animaux pour l'élaboration de certaines préparations biodynamiques.

Une alimentation à l'image de la plante entière

Feuilles, racines et fourrages fleuris sont indispensables à la santé et à la fécondité du troupeau. La prairie et les fourrages grossiers sont la base d'une alimentation conforme à la nature des ruminants. Les graines ne sont distribuées qu'en quantité très limitée, en évitant les céréales potentiellement destinées à la consommation humaine. L'emploi de la graine de lin trempée pour les jeunes, ainsi que l'emploi régulier des tisanes pour tous les animaux, font partie des pratiques spécifiques indiquées dans le «Cours aux agriculteurs» pour favoriser la vitalité et la qualité des productions.

L'emploi de l'ensilage est limité avec une acceptation des ensilages pré-fanes de type haylage, dans les régions où, pour des raisons climatiques, une récolte de foin suffisante est impossible. Il existe une relation directe entre la quantité d'ensilage ingérée et les phénomènes d'agressivité dans le troupeau.

Cette restriction, si elle est associée à des bâtiments adaptés, permet de maintenir un cheptel cornu en toute sécurité en stabulation libre.

Il est nécessaire de disposer, en les maintenant ou en les laissant se reformer, d'une partie de prairies permanentes (ou de très longue durée), tendant ainsi vers un système naturel où la végétation s'équilibre en fonction du sol, du climat, du mode de conduite, de la nature et de la diversité du cheptel présent.

La constitution de paysages complexes avec des haies, des bosquets, de la forêt est indispensable. La haie diversifiée est un facteur nutritionnel essentiel pour tous les ruminants : les méristèmes et les cambiums des jeunes pousses sont un élément important de l'alimentation et on en récolte même des bouquets à sécher pour assurer en quantité minime un apport dans les périodes difficiles (maladie, vêlage, lactation et périodes de transition après la rentrée à l'étable et avant la mise à l'herbe).

Prévention et stimulation des défenses naturelles

Depuis longtemps, la recherche des éleveurs en biodynamie s'est orientée vers la prévention, par la recherche d'animaux rustiques adaptés au terroir.

Pour cela, une productivité modérée, une alimentation équilibrée et améliorée par l'emploi soigné des préparations biodynamiques, en particulier la silice de corne, permet d'obtenir des résultats intéressants en matière de santé et même de résistance au parasitisme, tant interne (strongles), qu'externe (varron).

En cas de besoin, les remèdes issus de la pharmacopée naturelle sont privilégiés (aromathérapie, phytothérapie, homéopathie et médecine d'orientation anthroposophique).

Il est aussi recommandé de laisser des zones improductives, non soumises au pâturage. Par exemple, les prairies humides qui constituent des zones refuges pour les champignons et cryptogames divers. L'expérience montre qu'en leur accordant ainsi volontairement une place restreinte mais choisie, ils sont moins agressifs sur les cultures environnantes.

Présence de taureaux reproducteurs a la ferme

L'accouplement naturel est la base recommandée du travail à la ferme. Les buts de sélection habituels des centres d'insémination sont adaptés à une agriculture productiviste recherchant une grande précocité, avec des objectifs de rendements élevés, obtenus avec une alimentation essentiellement à base d'ensilage et de grandes quantités de céréales.

D'autre part, nous assistons pour presque toutes les races animales à une mondialisation des semences et à une diminution considérable des souches de reproducteurs, avec des objectifs de sélection unilatéraux.

Nous souhaitons privilégier un rendement modéré avec une bonne qualité fromagère ou beurrière selon les cas, favoriser la longévité des animaux, leur résistance, leur fertilité et leur santé. La capacité à bien valoriser les fourrages grossiers, à bien digérer, à fournir des bouses bien moulées capables de fournir une bonne ambiance d'étable et par la suite une bonne évolution du processus de compostage, nous paraissent des objectifs de sélection essentiels ; il faudrait encore y ajouter l'adaptation au terroir et les qualités de domestication, de comportement social et de non-agressivité.

Enfin la présence du taureau, malgré les difficultés de son maniement et le savoir-faire que cela suppose, nous semble aller dans le sens du respect des relations sociales dans un troupeau. La saillie naturelle est une récompense pour la vache après la disponibilité psychique et corporelle que représente sa mise en chaleur. Les bons taux de fécondité ainsi obtenus tendent à valider cette volonté de privilégier la monte naturelle.